On dirait qu’on a vécu

En tournée depuis 2018 !

Deux comédiens sur scène ont une pièce à jouer, une pièce qu’ils ont écrite. Au début, ils étaient heureux de cette nouvelle aventure, de ce terrain vaste à explorer, de cet espace à conquérir. Ensemble. Tous les deux.

Mais très vite, un désaccord majeur est apparu : l’un veut dire le vrai, ne pas tricher. L’autre ne veut pas s’attacher au réel et considère qu’il ne triche pas pour autant.

Vient le soir de la représentation. Ils ont sûrement discuté a n de trouver un consensus, car, oui, cette création, nous la portons à deux et il n’est pas question de la sacrifier sur l’autel de nos égos.

Pourtant, dès le début, les camps se forment et ce qui devait vraiment se jouer, se joue désormais. Sur la scène, ce sont deux théâtres qui s’affrontent et deux personnalités que tout oppose mais qui ont pour point commun la nécessité de dire, de porter une voix.

Par l’expression de ces voix, les différences s’atténueront peu à peu et se complèteront pour mieux se réunir en une sorte de « projet » commun.

La pièce, peut-être, qu’ils auraient dû écrire.

Ce choc et cette rencontre avaient sûrement besoin de ce plateau, de ces lumières qui aveuglent, de ces gens qui regardent et écoutent, comme si cette réduction du monde était le seul espace possible pour l’échange sincère et profond.

Il s’agit, dans On dirait qu’on a vécu, pour ces deux hommes, de trouver l’équilibre ou, du moins, de tendre vers celui-ci, de parvenir à être conciliants et, en acceptant d’aller sur le terrain de l’autre, de constater qu’en n de compte, on ne veut qu’une chose : donner la parole, à soi et à des milliers d’autres.

« Car c’est ainsi seulement que l’on se réconcilie »

Critique Festival Avignon 2021 « ON DIRAIT QU’ON A VÉCU » : THÉÂTRE A POIL

lebruitduoff.com – 10 juillet 2021 AVIGNON OFF 2021. « On dirait qu’on a vécu » – Mise en scène : Victor Lassus – Interprètes : Thomas Astegiano, Louis Emmanuel Blanc – Théâtre de l’isle 80 à 13h.

« Frères de tomates qui font couler leur sang près du cœur » mais disons aussi deux hommes, deux chaises, deux couleurs, bleu clair et bleu foncé, celui qui est foncé n’est pas entre guillemets, sa parole est crue, matérielle, immédiate tandis que l’autre s’évade avec les mots hors de ce qu’ils peuvent décrire, deux hommes qui parlent donc, il y en a un troisième qui survient parfois, le régisseur, pour ajouter son grain de sable au château et du rire à nos sourires, mais la plupart du temps sur le plateau ils sont deux parce que c’est à deux qu’on se bat, qu’on se déchire, qu’on se retrouve. S’ils prennent en premier lieu la parole à la queue leu leu, et se démarquent chacun bien dans leur style, les gémeaux ne parviennent pas à s’entendre sur cette question : qu’est ce qu’il veut entendre, le spectateur ? Le murmure de cette « rivière nouvelle où jamais plus nous n’irons jouer » ou les cris qui déchirent lors d’une baston la cour de récréation ? Quelle parole perce le mieux l’oreille du spectateur ? Celle qui efface le « Je » derrière les imprécisions et les hallucinations du « Nous », parole vague et lyrique, dépaysée entre les bombes, le sang, le monde, bleue ciel nuage qui danse ou bien celle qui raconte l’anodin, le ciment, le voyage au flunch, le créneau magistralement réalisé en voiture, proche de l’infra-ordinaire d’un Perec qui invite son lecteur à « faire l’inventaire de ses poches », à « récolter le détail » ? Ils ne savent pas, alors ils se battent, ils se déchirent, et un nouveau texte émerge des interstices de leur désaccord. Ce nouveau texte commence avec ce régisseur sorti de son ombre pour séparer les deux fauves en plein combat, se poursuit avec ces mots si différents qui peu à peu apprennent à se mélanger entre les lumières tamisées et les musiques endiablées jetées sur le plateau, ce nouveau texte abolit le clivage stérile entre lyrisme et prosaïsme, réunit les deux fronts avec simplicité ; c’est un nouveau texte qui doute de son propre texte, pour notre plaisir silencieux. Parce que ce qu’on préfère, ce que le spectateur préfère, c’est ça, cette lutte nécessaire, absurde et drôle, ces danses abandonnées, ces chansons bigarrées, ce qu’on préfère c’est cette nuance qui ne s’offre pas immédiatement comme nuance, c’est quand ils se mettent tout nus, gênés et fiers, beaux et bêtes, ensemble. « -Tu veux un sandwich ? – Un fruit. » Voilà, c’est ça. Tu veux me couper la parole ? Pour te donner la parole. Célia Jaillet

DISTRIBUTION ET DOSSIER

Production : Collectif l’ÉtreinteMise en scène : Victor LassusAvec : Louis-Emmanuel Blanc et Thomas AstegianoLumières : Victor Lassus

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